29 avril 2013

Kavinsky - Outrun (chronique électro-rock)

Kavinsky - Outrun (2013)



1 - Prélude
2 - Blizzard
3 - Protovision
4 - Odd Look
5 - Rampage
6 - Suburbia
7 - Testarossa Autodrive
8 - Nightcall
9 - Dead Cruiser
10 - Grand Canyon
11 - First Blood
12 - Roadgame
13 - Endless





     Au moment de rédiger la chronique de Outrun de Kavinsky,  une question se pose: qu'est ce que la French touch? Y-a-t'il encore en 2013 une réalité musicale derrière cette étiquette si vendeuse, en France et à l'international? Le terme a fini par recouvrir tellement de tendances, qu'il en est devenu obsolète. Les Daft Punk, avec leur Homework (1997) mixaient le disco-funk à la Chic et le minimalisme technoïde de Kraftwerk, en leur injectant une bonne dose de gros son club; l'aérien et raffiné Moon Safari (1998) du très seventies Air, en prenait déjà le contrepied. Kavinsky, avec ce premier LP, puise largement ses références dans la culture télévisuelle et cinématographique des années 80. Son univers, pour le moins "circonscrit", est à mi-chemin entre Scarface, K2000 et Outrun, fameux jeu d'arcade commercialisé par Sega en 1986. Le son de l'album rappelle fortement celui du groupe Justice. Outrun, improbable album concept en forme de road-movie, retrace l'orageuse escapade d'un ado, portier d'hôtel, qui pique la Ferrari d'un client, avant de se tuer à son volant, foudroyé par un éclair!

     Difficile à l'écoute de l'emphatique «Prélude» blockbuster qui débute l'album, de ne pas penser aux premières images du Scarface de Brian De Palma: sur une BO de Giorgio Moroder, défilent des images d'archives, d'un discours de Castro, d'immigrants cubains débarquant aux USA, alternant avec les crédits du film, en rouge vif sur fond noir. Voici l'équation: productions enrobées de Moroder + séances de culturisme = Kavinsky. L'album du Français est truffé de références à la culture populaire des années 80, et on peut bien sûr se prendre au jeu des identifications… Qui écoute la sentencieuse voix off de ce «Prélude» y retrouvera peut-être les intonations de sa proche parente, celle de K2000, au générique culte, composé par Stuart Phillips… belles bagnoles, belles filles: le monde de Kavinsky, qui ainsi marche dans les pas de Michael Knight, le héros de cette kitschissime série TV. Le son tout en muscles de Kavinsky est à vrai dire dans la droite ligne de celui du groupe Justice, dont les albums ne brillaient déjà pas par leur bon goût; le duo Gaspard Augé/Xavier de Rosnay aurait pu signer ce second titre, «blizzard», au riff de guitare très électro-rock… Sauf qu'il s'agit en réalité d'un sample emprunté à la série TV San Ku Kaï, dont la bande son est l'oeuvre d'un certain Éric Charden, et que le très hype Kavinsky ne craint pas de reprendre à son compte; on ne le saurait pas qu'on n'y verrait que du feu, tant les coutures sont discrètes. Derrière le très monolithique «Grand Canyon», c'est Christine, l'iconique voiture du film éponyme de John Carpenter (1983), qu'on voit resurgir. Lors d'une fameuse scène où Richie Temperton essuie sa colère vengeresse,  avant d'être écrasé contre un mur par la belle, on croirait entendre du Kavinsky en fond sonore. Et «Rampage», aurait pu s'appeler KITT Autodrive tant sa référence à l'entêtant motif du générique de K2000 est évidente.
     San Ku Kaï, K2000, Outrun: avec des références aussi peu nobles, l'album de Kavinsky peut-il être autre chose qu'un objet esthétiquement douteux? Reconnaissons lui en tout cas une redoutable efficacité, tout en frolant à tout moment le jacky. Tout Outrun est passé par ce tunning sonore, cette gonflette de studio, à coups de kick compressés et basses bien en avant dans le mix.  Comme son homonyme d'arcade, consistant à piloter une Testarossa, dans des décors aux graphismes minimalistes et pixelisés, Outrun, est un album brossé à grands traits, de la voie rapide tout du long, au revêtement impeccable et marquage au sol immaculé.  L'immense ligne droite qu'est «Grand Canyon», est à l'image des autres instrumentaux de l'album: un loop de synthé, une boucle de basse, répétés à l'envie pendant deux, trois minutes… parfois quatre comme sur «Odd Look»! Si ce "highway by night" qu'est Outrun veut être la bande son ultime pour bouffer des miles en nocturne, le contrat est rempli. La bien nommée «Testarossa Autodrive» est de ce point de vue diaboliquement entêtante: le titre possède un déroulement aussi linéaire que les longues bandes blanches d'une autoroute de nuit, vues à travers le pare-brise de cette Testarossa qui s'affiche sur la pochette de l'album. La deuxième piste du deuxième EP de Kavinsky, 1986, ne s'intitulait-elle pas «Pacific Coast Highway»? C'est surement le très aguicheur «Dead Cruiser» qui résume le mieux ce que peut-êre Outrun: un plaisir certes, mais tellement too much qu'il ne peut qu'être coupable. 

     Treize titres, toujours à la limite de la sortie de route stylistique. Outrun, un album French touch? C'est à voir, mais beauf touch, c'est certain. Outruntrop teinté eighties, verra sans nul doute sa cote chuter rapidement à l'argus de l'électro française.

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