18 février 2013

Émilie Simon - The Big Machine (chronique synth-pop)

Émilie Simon - The Big Machine (2009)


 

1 - Rainbow
2 - Dreamland
3 - Nothing To Do With You
4 - Chinatown
5 - Ballad Of The Big Machine
6 - The Cycle
7 - Closer
8 - The Devil At My Door
9 - Rocket To The Moon
10 - Fools Like Us
11 - The Way I See You
12 - This Is Your World




     «Je laisse aller, me laisse inhaler, mon opium» avouait Émilie Simon sur son dernier album, Végétal (2006). Alors qu'a t-elle pris pendant l'enregistrement de The Big Machine? A t-elle inhalé de l'hélium? Cette voix, ce disque, cette fille, sont complètement déjantés. Les dernières secondes de l'album écoulées, j'ai voulu me rappeler la dernière fois où j'avais ressenti cette exubérance sur un album de pop. Et j'ai trouvé: Cindy Lauper, She's So Unusual (1983). Il y a du Cindy Lauper en Émilie Simon! Après l'unanimité autour du très soigné Végétal, The Big Machine a beaucoup divisé. Trop référencé, trop eighties, trop kitsch. Végétalplus introverti, n'a pas la spontanéité de The Big Machine, qui en prend esthétiquement le contrepied. Moins unifié et «conceptualisé» que son prédécesseur, ce nouvel album lui est peut-être pourtant supérieur. 

     Les premières mesures de «Rainbow» donne le ton de The Big Machine tout comme celles d'«Alicia» donnait le ton de Végétal. Autant «Alicia» était étrange et lunaire, misant sur les demi-teintes, autant «Rainbow» est direct, privilégiant des couleurs primaires saturées. Les paroles d'«Alicia» étaient très ciselées, Rainbow pioche dans les idiomatismes de la pop anglo-saxonne. Pas grave: le titre libère d'emblée cette énergie positive qui jamais ne quittera l'album. Le refrain a la simplicité de l'évidence. Cet album, n'était le style vocal théâtral de l'artiste,  n'évoque Kate Bush que d'assez loin la plupart du temps, excepté sur «Nothing To Do With You». Le voilà le fameux titre qui rappelle tant l'artiste anglaise période «Babooshka». Alors oui, par moments la resemblance est troublante. Et oui, les toms un peu tribaux et les choeurs additionnels évoquent de loin  Hounds Of Love (1985).
     Le son de la pop eighties occupe une place importante sur The Big Machine. Les premières mesures au beat lourd de «Dreamland», son gimmick mélodique et synthétique, ont tout à fait leur place entre «Electricity» d'OMD et «Everything Counts» de Depeche Mode, au même grain sonore. The Big Machine procède par larges touches de synthés vintages. «The Cycle», un titre up-tempo est un des temps forts de l'album. Comme sur «Dreamland»,  l'influence de la new-wave anglaise est là encore nettement audible. L'instrumental fourmille de détails sonores, comme d'ailleurs tout l'album, et donne une impression de vitalité extraordinaire à cette musique. Mais c'est avec la très kitsch et sucrée «Closer» que les années 1980 sont les plus perceptibles: de retour les Simmons SDSV et leurs pads octogonaux. De retour le son de l'italo-disco… Et ça passe! Haut la main même, tant la générosité mélodique est grande. Quant à «Rocket To The Moon», ceux et celles qui ont aimé Kid Créole And The Coconuts  aimeront sans doute les premières mesures de ce titre car c'est la même formule gagnante qui y est appliquée: des cuivres tout droit sortis d'un big band des années 30, matinés de pop léchée. Des claquements de doigts, quelques «baby, baby» ternaires et jazzy pour un résultat musical léger et festif. Le refrain, pop et coloré, est addictif encore et toujours!
     Deux ballades sur ce disque. «Ballad Of The Big Machine», aux belles harmonies, débute de façon étonnament sobre sur le plan vocal, une fois n'est pas coutume. Répit de courte durée avant un final incendiaire. Émilie Simon minaude, et puis soudain l'émotion s'empare de l'auditeur. «Fools Like Us», après un début qui rappelle l'artiste période Végétal retrouve cette nouvelle signature vocale. Le titre  délaisse cette fois la langue anglaise pour le français.
     Quelques titres ont des productions plus actuelles. Sur le très dance «The Way I see You», les paroles du refrain, seulement soutenues par le piano laissent enfin le loisir d'apprécier la voix de la belle, presque a cappellaEt quelle voix! Chipie, acidulée, agaçante et désarmante. L'impact à l'écoute de cet album réside précisément dans ce qu'on a pu lui reprocher: son extraversion vocale: la voix d'Émilie Simon est le personnage principal de The Big Machine. Modulée à l'extrême, elle minaude sur «The Devil At My Door», acomplit des acrobaties Katebushiennes sur «Nothing To Do With You», trépigne sur «Chinatown», mais sait aussi être simplement émouvante sur «Ballad Of The Big Machine»Alliée d'une imagination et d'une prégnance mélodique de tous les instants, cette voix les sublime. «This Is Your World», est le bouquet final de ce feu d'artifice sonore d'où l'on ressort un peu épuisé mais comblé.

     The Big Machine est une imparable collection de popsongs, aux instrumentaux accrocheurs et refrains qui font mouche. Un album irrésistible.

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