28 octobre 2013

Ted Nugent - Scream Dream (chronique hard-rock)

Ted Nugent - Scream Dream (1980)



1 - Wango Tango
2 - Scream Dream
3 - Hard As Nails
4 - I Gotta Move
5 - Violent Love
6 - Flesh And Blood
7 - Spit It Out
8 - Come On Get It
9 - Terminus Eldorado
10 - Don't Cry» (I'll Be Back Before You Know It Baby)




     «Si c’est trop fort, c’est que t'es trop vieux», c'est la devise de Ted Nugent. S'il y a un album en particulier du guitariste de Détroit qui puisse se targuer de faire du bruit, c'est bien Scream Dream. Sur ce sixième album en solo, tous les potentiomètres sont au maximum! Sans surprise donc celui du volume,  mais aussi celui du tempo, qui rarement faiblit; les quelques ballades isolées des albums précédents n'ont plus leur place ici: finies les «Alone», et «Together» et  place au très speed «Violent Love»! Le style de Scream Dream est sans concessions: refus des nuances, refus des contrastes, refus de la complexité, d'où cette impression de brutale spontanéité qui émane de l'album. Prenant ses distances avec les raffinements d'arrangements et de production des albums précédents, Scream Dream, le plus enervé des albums du Motor City Madman, joue cash. La tracklist en béton armé de ce LP penche en revanche et encore plus qu'auparavant du côté d'un hard-blues musicalement goguenard, aux paroles toujours salaces.


     «Wango Tango»: difficile de faire plus rudimentaire que ce riff, se réduisant à deux powerchords teigneux et coriaces. S'appuyant sur ce préambule à la guitare seule, l'entrée de la rythmique, presque punk en dépit d'une production très studio, assure pourtant un minimum syndical qui en a tous les attributs; ces poum-tchac  fonctionnels sont un pari gonflé mais gagnant. Les refrains inattendus du titre qui convient de fantaisistes et insolites choeurs féminins semblent en comparaison assez peu No future pour le coup… Le riff de «Wango Tango», cadet insolent du «You Really Got Me» des Kinks, est évidemment plus malin que banal: son efficacité procède par accumulation, et passées quelques mesures tout ça monte sérieusement à la tête! Quatre pistes plus loin, à l'inverse, la toute fin de «Violent Love», son motif cadentiel assené six fois de suite sembleront vouloir mettre K.O l'auditeur… qui cinq secondes plus tard devra retrouver ses esprits pour affronter un «Flesh And Blood» froidement determiné. Scream Dream est ainsi un album musicalement très physique… mais également assez éprouvant. Le cri perçant de Nugent en introduction de la chanson éponyme, c'est encore une agression auditive, après les vocaux braillards de «Wango Tango»! Cette crudité aurait pu être réjouissante, mais mal mixées, trop en avant, ces voix sont rédhibitoires. C'est d'autant plus regrettable que toute la tracklist souffre de ce parti-pris sonore, le sommet étant atteint sur «Flesh And Blood», littéralement hurlé et même douloureux à l'écoute… Pas étonnant que le Nuge soit aujourd'hui à moitié sourdingue, à force de décibels pendant ses concerts. Heureusement les parties de guitares et la façon dont elles sonnent sont au top, comme toujours chez Nugent. Le choix osé qu'a fait dès ses débuts Ted Nugent de jouer sur une guitare plutôt destinée au jazz, la Gibson Byrdland, pour l'intégrer à son hard-rock, s'est toujours révélé payant, confère l'immense «Stranglehold» sur son premier album (1975). Sur le riff de «Scream Dream» la sonorité mordante de la bête fait des étincelles; quant à la basse/batterie, c'est un rail! On a pourtant souvent reproché à la section rythmique de Ted Nugent d'être en retrait du guitariste. D'accord sur le Double Live Gonzo, qu'a depuis renié son auteur, encore que la faute soit surtout à imputer au mixage. Mais sur «Wango Tango», le jeu un peu sale au médiator de Dave Kiswiney est un régal; sur «Scream Dream», le drumming pragmatique de Cliff Davies fait ressortir d'autant plus les fills du batteur, acérés, au timing parfait. Les titres s'enchainant, une chose surprend sur Scream Dream: cette impression d'un bloc de musique compact plus que d'une suite de titres individuels. Pourquoi «Hard As Nails», si différent, semble pourtant si semblable à «Scream Dream, le titre précédent? Pourquoi «Come On Get it» semble être un second volet de ««Flesh And Blood»? Réponse: leur tonique, la… Huit des dix titres de l'album sont d'ailleurs dans ce la mineur blues: une sorte d'exploit. Seul le sarcastique «Terminus Eldorado» "s'aventure" dans le mode de mi. Quant à «Spit It Out», la compo ose même la tonalité de ré… majeur! À ce refus de la variété tonale sur Scream Dream s'ajoute une omniprésence des grilles de blues. Parfois, AC/DC n'est pas loin, comme sur le très potache «I Gotta Move, blues speed expédié en à peine plus de deux minutes chrono en main. Cette radicalité de Scream Dream en fait sa force.

     Artistiquement, Scream Dream marque la fin d'une époque pour Ted Nugent: celle des albums enregistrés pour le compte de Epic Records, la meilleure. Les albums suivants du Motor City Madman, qui signera entre temps sur le label Atlantic ne retrouveront plus cette intensité.

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