12 mai 2014

Sade - Promise (chronique smooth jazz/soul)


Sade - Promise (1985)



1 - Is It A Crime
2 - The Sweetest Taboo
3 - War Of The Hearts
4 - You're Not The Man
5 - Jezebel
6 - Mr Wrong
7 - Punch Drunk
8 - Never As Good As The First Tim
9 - Fear
10 - Tar Baby
11 - Maureen



     
     Helen Folasade Adu; c’est le nom complet de la chanteuse éponyme de Sade. Certes, mais n’en déplaise à la musicienne, Sade n’en est pas moins un collectif: Sade donc, son alter ego en musique Stuart Matthewman à la guitare et au sax et avec qui elle assure l’écriture de la plupart des titres, Paul Denman à la basse, et Andrew hale aux claviers. Sweetback, le projet parallèle de  Matthewman, Denman et Hale dans les années 90, permet de s’assurer de la complémentarité de ces musiciens. Leur premier album homonyme en 1996 - d’ailleurs très plaisant - avec Amel Larrieux au chant, à souvent les accents du Sade smooth électro de Love Deluxe (1992), peut-être plus urbain, peut-être parfois plus trip-hop/hip-hop selon les titres, mais avec cette même maîtrise des «ambiances». Promise est le second des sept albums studio de Sade en trente ans de carrière du groupe. Succédant à Diamond Life en 1984 il en forme comme le second volet. Se trouve dans cette musique l’archétype du smooth jazz des années 80, à destination d’un public blanc: beaucoup plus de smooth que de jazz donc. Mais, teinté d’une sensualité soul à la Marvin Gaye, d’un groove évident, Promise possède un pouvoir de séduction qui trente ans après reste assez élevé. 

     Avec «Is It A Crime» en ouverture, les griefs sont les mêmes qu’un an plus tôt sur «Smooth Operator». Encore une histoire de beau parleur. Sur ce précédent titre, les premiers mots placés sur une quarte augmentée très alanguie les rendaient presque dérisoires, ici la ligne de chant se fait plus émotionnelle. Le glamour instrumental des cuivres dans l’introduction, la perfection de l’arrangement, feraient presque oublier qu’on n’est ici en présence que d’une simple cadence parfaite en do mineur! Encadrée ici par un sixième degré, là par une substitution du triton, elle n’en reste pas moins le b.a.-ba de l’harmonie! Quant au contraste entre ces alliages de timbres suggestifs et les accords tenus d’un orgue aux accents liturgiques dans le premier couplet, il est simplement magique. Alors un bémol forcément pour le très court solo de piano, aux appoggiatures maladroitement écrasées et qui plombent celui-ci. Mais «Is It A Crime» est bien peu face à «Fear» qui en retrouvera la somptueuse palette et les timbres diaprés, ici sublimés par des arrangements d’un baroque flamboyant. Quant au texte, il déploie une force des métaphores qui n’a rien à envier à l’instrumental de la chanson.
     Promise aborde à vrai dire une plus grande variété d’horizons musicaux, de couleurs, d’émotions que Diamond Life, qui était peut-être plus monochrome que réellement homogène. C’est cette variété qui donne lieu entre les chansons à des transitions d’une qualité parfois admirable, comme pour l’enchainement «Is It A Crime»/«The Sweetest Taboo»; après le climat très «round midgnight» de l’une, les harmonies au cordeau et le groove tonique de l’autre deviennent des plus exaltants. Mention à la superbe partie de batterie sur ce second titre, atypique avec son pattern alternant cross-stick et coup droit sur la caisse claire et faisant un large usage des syncopes. Les paroles en sont gentiment allusives, smooth oblige. On pourra trouver la chanson «Mauren» sans grande consistance , mais, de la même façon,  il faut reconnaitre qu’en terminant l’album sur une note plus légère , et après tous ces titres entre chien et loup, elle gagne en nécessité dans la tracklist. 
     Promise livre pour la première fois des accents de lyrisme, l’émotion qui pouvait manquer sur Diamond Life: «You’re Not The Man» et surtout la sublime «Jezebel». Mais, chose inédite également chez Sade, les chutes d’inspiration sont perceptibles ; ainsi l’instrumental «Punch Drunk», , une sorte de blues au kilomètre, ne fait pas longtemps illusion. Les lignes de sax de Matthewman, qui semblent ici comme s’enrouler autour d’une barre de pole dance, deviennent trop ostensiblement sexy. C’est à ce genre de facilités coupables que le smooth jazz devra sa mauvaise réputation.  Le saxophoniste Kenny G, sur son album Duotones (1986) citera Sade - comme influence? -  sur un titre homonyme. Le funk popisant et typiquement 80’ de «Never Good As The First Time» semble lui avoir servi de matrice tant le son de ces deux titres est proche. Les lignes des basses de Paul Denman sont parfois d’une surprenante efficacité, comme sa relecture de «Billie Jean» sur «Hang On Your Love» (Diamond Life), mais ici cette basse slappée, la batterie compressée, enferme «Never Good As The First Time» dans les eighties.

     Malgré quelques moments complaisants, Promise offre le haut de gamme du smooth Jazz, avec des qualités de sons, de climats, et une nécessité musicale qui manquent trop souvent au genre.

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