17 juin 2013

Deep Purple - Made In Japan (chronique hard-rock)

Deep Purple - Made In Japan (1972)




1 - Highway Star (16/08/72 - Osaka)
2 - Child In Times (16/08/72 - Osaka)
3 - Smoke On The Water (15/08/72 - Osaka)
4 - The Mule (17/08/72 - Tokyo)
5 - Strange Kind Of Woman (16/08/72 - Osaka)
6 - Lazy (17/08/72 - Tokyo)
7 - Space Truckin' (16/08/72 - Osaka)






     En mai 1972 parait Machine Head, le sixième album de Deep Purple. Afin de promouvoir ce nouvel LP du groupe, une tournée s'ensuit réservant une large place à la tracklist de Machine Head.  Trois dates sont prévues au Japon: les 15 et 16 aout à Osaka, le 17 aout à Tokyo. Si Made In Japan, sorti en décembre 72* est une sélection des meilleures prises de ces trois sets, précisons pour être complet, que le quasi homonyme Live In Japan (1993), proposera la quasi intégralité de ces trois soirées. Même si ce dernier reste un passionnant témoignage de l'escale Japonaise de Deep Purple, le jeu des comparaisons, d'un soir à l'autre, montre que les prises conservées pour figurer sur Made In Japan étaient bien les meilleures. Plus encore, ces versions invalident aussi celles de studio présentes sur Machine Head, ainsi qu'In rock (1970) et fireball (1971). Non pas que ces dernières soient fondamentalement mauvaises bien sûr. Mais sur Made In Japan, l'alchimie entre les musiciens est tellement évidente qu'une fois qu'on a gouté à cet album, on devient fatalement exigeant.

     Comme sur Machine Head, c'est «Highway Star» qui lance les hostilités sur Made In Japan. Après quelques arpèges policés de Jon Lord, les applaudissements gagnent peu à peu en volume dans le public, et progressivement, Ian Paice marquant la pulsation, nait de cette matière informe un «Highway Star» incendiaire! Ce titre est sans doute, de tous ceux jouées sur l’album, le plus fidèle à son équivalent studio, les solos d'orgue et de guitare étant peu ou prou repiqués sur la version de Machine Head. Ce qui frappe surtout ici, c’est l'urgence de ce «Highway Star», qui donne tout son sens aux paroles «Nobody gonna beat my car/It's gonna break the speed of sound». Après ce «mur du son», up-tempo comme il se doit, tintent les premières notes de «Child In Time», le «Stairway To Heaven» de Deep Purple. Sur les refrains de cette composition fleuve, Gillan trouve des accents déchirants, une sauvagerie même, absents de la version studio, tout comme ce solo de Lord précédant celui de Blackmore durant la partie centrale; celle-ci, prise beaucoup plus rapidement que sur Machine Head, semble galvaniser le guitariste - ou bien est-ce la présence du public… ou les deux? - qui grave ce soir du 16 aout un grandiose et épique solo de plus trois minutes, d’une conduite magistrale ou chaque note parait marquée du sceau de la necessité! Un brutal break venant interrompre ces salves, la reprise du début, au bord du silence, en est sidérante. Quant au solo de Blackmore sur «Smoke On The Water», un mot le résume: perfection! Chaque phrase, exaltée par un feedback qui semble infini, est d'une beauté mélodique absolue. Les prestations de Blackmore les deux soirs suivants, très différentes et somme toute nettement moins abouties, prouvent que ce 15 aout c'est bien d'improvisation qu'il s'agissait; Prodigieux! Paradoxalement, les questions/réponses entre guitare et voix sur «Strange Kind Of Woman», qui semblent pourtant totalement impromptues sont en réalité pour beaucoup écrites "dans le scénario" et certains échanges se retrouvent à l'identique d'un soir à l'autre… mais justement, la principale qualité de Made In Japan c'est bien cette sensation d'improvisation qui émane de l'album dans son entier, que celle-ci soit réelle ou pas. Sur ce point, «Lazy», un peu à l'étroit en studio, et regardant sans doute trop vers «les jams blues-rock de la décennie précédente»** aura tout à gagner en concert, en particulier ce 17 aout à Tokyo. La compo proprement dite, du rock up-tempo sur une grille de blues, transpire un plaisir de jouer de la musique contagieux. Made In Japan est un live généreux en morceaux de bravoure instrumentale: Jon Lord sur «Lazy», le sus-cité Blackmore, Gillan sur «Child In Time». Quant à Ian Paice, il livre une prestation fabuleuse, bien sûr durant son fameux solo sur «The Mule» mais pas que: son drumming très jazz sur les ponts "lyriques" de «Strange Kind Of Woman» ou encore tout «Space Truckin'» en font peut-être le personnage principal de Made In Japan. «Space Truckin'», contrairement à ce que le minutage du disque indique, ne dure que cinq minutes, comme la version studio. La «cavalcade» qui lui fait suite, est librement inspirée de «Mandrake Root» et l’épisode le plus ambiant possède une ressemblance avec «Fools» sur Fireball. Ces vingt dernières minutes, prennent la forme d'une vertigineuse odyssée sonore, d'une audace narrative inouïe. Et les quelques secondes de silence qui séparent les derniers accords des applaudissements acquièrent, après ces déflagrations, une densité impressionnante.

     Passionnant pour son caractère d'épopée, éblouissant instrumentalement, impressionnant par l'engagement physique et musical des musiciens: Made In Japan est le live de tous les superlatifs.

 ✰ ✰ ✰ 


* Le live Made In Japan, est paru dès décembre 72 pour le marché européen mais seulement en avril 73 pour les USA.
** Chronique de l'album Machine Head sur le site Destination rock.