Ted Nugent - Scream Dream (1980)
1 - Wango Tango
2 - Scream Dream
3 - Hard As Nails
4 - I Gotta Move
5 - Violent Love
6 - Flesh And Blood
7 - Spit It Out
8 - Come On Get It
9 - Terminus Eldorado
10 - Don't Cry» (I'll Be Back Before You Know It Baby)
«Si c’est trop fort, c’est que
t'es trop vieux», c'est la devise de Ted
Nugent. S'il y a un album en particulier du guitariste de Détroit qui puisse se
targuer de faire du bruit, c'est bien Scream Dream. Sur ce sixième album en solo, tous les potentiomètres
sont au maximum! Sans surprise donc celui du volume, mais aussi celui du tempo, qui rarement faiblit; les
quelques ballades isolées des albums précédents n'ont plus leur place ici:
finies les «Alone», et «Together» et
place au très speed «Violent Love»! Le style de Scream Dream est sans concessions: refus des nuances, refus des
contrastes, refus de la complexité, d'où cette impression de brutale spontanéité
qui émane de l'album. Prenant ses distances avec les raffinements
d'arrangements et de production des albums précédents, Scream Dream, le plus enervé des albums du Motor City Madman,
joue cash. La tracklist en béton armé de ce LP penche en revanche et encore
plus qu'auparavant du côté d'un hard-blues musicalement goguenard, aux paroles
toujours salaces.
«Wango Tango»: difficile de
faire plus rudimentaire que ce riff, se réduisant à deux powerchords teigneux
et coriaces. S'appuyant sur ce préambule à la guitare seule, l'entrée de la
rythmique, presque punk en dépit d'une production très studio, assure pourtant un minimum syndical qui en a tous les attributs; ces poum-tchac fonctionnels sont un pari gonflé mais gagnant. Les refrains inattendus du
titre qui convient de fantaisistes et insolites choeurs féminins semblent en
comparaison assez peu No future pour le
coup… Le riff de «Wango Tango», cadet insolent du «You Really Got Me» des
Kinks, est évidemment plus malin que banal: son efficacité procède par
accumulation, et passées quelques mesures tout ça monte sérieusement à la tête!
Quatre pistes plus loin, à l'inverse, la toute fin de «Violent Love», son motif
cadentiel assené six fois de suite sembleront vouloir mettre K.O l'auditeur…
qui cinq secondes plus tard devra retrouver ses esprits pour affronter un «Flesh
And Blood» froidement determiné. Scream Dream est ainsi un album musicalement très physique… mais également
assez éprouvant. Le cri perçant de Nugent en introduction de la chanson éponyme,
c'est encore une agression auditive, après les vocaux braillards de «Wango
Tango»! Cette crudité aurait pu être réjouissante, mais mal mixées, trop en
avant, ces voix sont rédhibitoires. C'est d'autant plus regrettable que toute
la tracklist souffre de ce parti-pris sonore, le sommet étant atteint sur «Flesh
And Blood», littéralement hurlé et même douloureux à l'écoute… Pas étonnant que
le Nuge soit aujourd'hui à moitié sourdingue, à force de décibels pendant ses
concerts. Heureusement les parties de guitares et la façon dont elles sonnent
sont au top, comme toujours chez Nugent. Le choix osé qu'a fait dès ses débuts
Ted Nugent de jouer sur une guitare plutôt destinée au jazz, la Gibson
Byrdland, pour l'intégrer à son hard-rock, s'est toujours révélé payant, confère
l'immense «Stranglehold» sur son premier
album (1975). Sur le riff de «Scream Dream» la sonorité mordante de la bête
fait des étincelles; quant à la basse/batterie, c'est un rail! On a pourtant
souvent reproché à la section rythmique de Ted Nugent d'être en retrait du
guitariste. D'accord sur le Double Live Gonzo, qu'a depuis renié son auteur, encore que la faute
soit surtout à imputer au mixage. Mais sur «Wango Tango», le jeu un peu sale au
médiator de Dave Kiswiney est un régal; sur «Scream Dream», le drumming
pragmatique de Cliff Davies fait ressortir d'autant plus les fills du batteur,
acérés, au timing parfait. Les titres s'enchainant, une chose surprend sur Scream
Dream: cette impression d'un bloc de
musique compact plus que d'une suite de titres individuels. Pourquoi «Hard As
Nails», si différent, semble pourtant si semblable à «Scream Dream, le titre précédent?
Pourquoi «Come On Get it» semble être un second volet de ««Flesh And Blood»? Réponse:
leur tonique, la… Huit des dix
titres de l'album sont d'ailleurs dans ce la mineur blues: une sorte d'exploit. Seul le
sarcastique «Terminus Eldorado» "s'aventure" dans le mode de mi. Quant à «Spit It Out», la compo ose même la tonalité de ré… majeur! À ce refus de la variété tonale sur Scream
Dream s'ajoute une omniprésence des grilles
de blues. Parfois, AC/DC n'est
pas loin, comme sur le très potache «I Gotta Move, blues speed expédié en à
peine plus de deux minutes chrono en main. Cette radicalité de Scream
Dream en fait sa force.
Artistiquement, Scream
Dream marque la fin d'une époque pour Ted
Nugent: celle des albums enregistrés pour le compte de Epic Records, la
meilleure. Les albums suivants du Motor City Madman, qui signera entre temps
sur le label Atlantic ne retrouveront plus cette intensité.