Deep Purple - Made In Japan (1972)
1 - Highway Star (16/08/72 - Osaka)
2 - Child In Times (16/08/72 - Osaka)
3 - Smoke On The Water (15/08/72 - Osaka)
4 - The Mule (17/08/72 - Tokyo)
5 - Strange Kind Of Woman (16/08/72 - Osaka)
6 - Lazy (17/08/72 - Tokyo)
7 - Space Truckin' (16/08/72 - Osaka)
En mai 1972 parait Machine
Head, le sixième album de Deep Purple. Afin
de promouvoir ce nouvel LP du groupe, une tournée s'ensuit réservant une large
place à la tracklist de Machine Head. Trois dates sont prévues au Japon: les
15 et 16 aout à Osaka, le 17 aout à Tokyo. Si Made In Japan, sorti en décembre 72* est une sélection des
meilleures prises de ces trois sets, précisons pour être complet, que le quasi
homonyme Live In Japan (1993), proposera la quasi intégralité de ces trois soirées. Même si ce dernier reste un passionnant témoignage de l'escale Japonaise
de Deep Purple, le jeu des comparaisons, d'un soir à l'autre, montre que les
prises conservées pour figurer sur Made In Japan étaient bien les meilleures. Plus encore, ces versions invalident aussi celles de studio présentes sur Machine
Head, ainsi qu'In rock (1970) et fireball (1971). Non pas que ces dernières soient fondamentalement
mauvaises bien sûr. Mais sur Made In Japan, l'alchimie entre les musiciens est tellement
évidente qu'une fois qu'on a gouté à cet album, on devient
fatalement exigeant.
Comme sur Machine Head, c'est «Highway Star» qui lance les hostilités sur Made
In Japan. Après quelques arpèges policés de
Jon Lord, les applaudissements gagnent peu à peu en volume dans le public, et
progressivement, Ian Paice marquant la pulsation, nait de cette matière informe
un «Highway Star» incendiaire! Ce titre est sans doute, de tous ceux jouées sur
l’album, le plus fidèle à son équivalent studio, les solos d'orgue et de
guitare étant peu ou prou repiqués sur la version de Machine Head. Ce qui frappe surtout ici, c’est l'urgence de ce
«Highway Star», qui donne tout son sens aux paroles «Nobody gonna beat my
car/It's gonna break the speed of sound». Après ce «mur du son», up-tempo comme
il se doit, tintent les premières notes de «Child In Time», le «Stairway To
Heaven» de Deep Purple. Sur les refrains de cette composition fleuve, Gillan
trouve des accents déchirants, une sauvagerie même, absents de la version
studio, tout comme ce solo de Lord précédant celui de Blackmore durant la
partie centrale; celle-ci, prise beaucoup plus rapidement que sur Machine
Head, semble galvaniser le guitariste - ou
bien est-ce la présence du public… ou les deux? - qui grave ce soir du 16 aout
un grandiose et épique solo de plus trois minutes, d’une conduite magistrale ou chaque note parait marquée du sceau de la necessité! Un
brutal break venant interrompre ces salves, la reprise du début, au bord du
silence, en est sidérante. Quant au solo de Blackmore sur «Smoke On The Water», un mot le résume: perfection! Chaque phrase, exaltée par un feedback qui semble infini, est d'une
beauté mélodique absolue. Les prestations de Blackmore les deux soirs suivants, très
différentes et somme toute nettement moins abouties, prouvent que ce
15 aout c'est bien d'improvisation qu'il s'agissait; Prodigieux!
Paradoxalement, les questions/réponses entre guitare et voix sur «Strange Kind
Of Woman», qui semblent pourtant totalement impromptues sont en réalité pour beaucoup écrites "dans le scénario" et certains échanges se retrouvent à l'identique d'un soir
à l'autre… mais justement, la principale qualité de Made In Japan c'est bien cette sensation d'improvisation qui émane de l'album dans son
entier, que celle-ci soit réelle ou pas. Sur ce point, «Lazy», un peu à
l'étroit en studio, et regardant sans doute trop vers «les jams blues-rock de
la décennie précédente»** aura tout à gagner en concert, en particulier ce 17
aout à Tokyo. La compo proprement dite, du rock up-tempo sur une grille de
blues, transpire un plaisir de jouer de la musique contagieux. Made
In Japan est un live généreux
en morceaux de bravoure instrumentale: Jon Lord sur «Lazy», le sus-cité Blackmore, Gillan sur «Child In Time». Quant à Ian
Paice, il livre une prestation fabuleuse, bien sûr durant son fameux solo sur «The Mule»
mais pas que: son drumming très jazz sur les ponts "lyriques" de
«Strange Kind Of Woman» ou encore tout «Space Truckin'» en font peut-être le personnage principal de Made In Japan. «Space Truckin'», contrairement à ce que le minutage du disque indique, ne dure que cinq minutes,
comme la version studio. La «cavalcade» qui lui fait suite, est librement inspirée
de «Mandrake Root» et l’épisode le plus ambiant possède une ressemblance avec
«Fools» sur Fireball. Ces vingt dernières minutes, prennent la forme d'une vertigineuse odyssée sonore, d'une audace narrative inouïe. Et les quelques secondes de silence qui séparent les derniers accords des applaudissements acquièrent, après ces déflagrations, une densité impressionnante.
Passionnant pour son caractère d'épopée, éblouissant instrumentalement, impressionnant par l'engagement physique et musical des musiciens: Made In Japan est le live de tous les superlatifs.
Passionnant pour son caractère d'épopée, éblouissant instrumentalement, impressionnant par l'engagement physique et musical des musiciens: Made In Japan est le live de tous les superlatifs.
✰ ✰ ✰ ✰ ✰✰
* Le live Made In Japan, est paru dès décembre 72 pour le marché européen
mais seulement en avril 73 pour les USA.
** Chronique de l'album Machine Head sur le site Destination rock.