Keren Ann - 101 (2012)
1 - My Name Is Trouble
2 - Run With You
3 - All The Beautiful Girls
4 - Sugar Mama
5 - She Won't Trade It For Nothing
6 - You Were On Fire
7 - Blood On My Hands
8 - Song From A Tour Bus
9 - Strange Weather
10 - 101
2 - Run With You
3 - All The Beautiful Girls
4 - Sugar Mama
5 - She Won't Trade It For Nothing
6 - You Were On Fire
7 - Blood On My Hands
8 - Song From A Tour Bus
9 - Strange Weather
10 - 101
Le visuel de la pochette
de 101, représentant Keren Ann un
revolver à la main, dans un noir et blanc stylisé, donne une idée du contenu de
cet album. De la noirceur certes, musicale et textuelle, mais nulle
brutalité expressive sur ce nouvel opus de la chanteuse. Keren Ann conserve ici
les arrangement délicats et le lyrisme mélodique qui ont fait
son style depuis son premier album La biographie de Luka Philipsen en 2000. Mais surtout, poursuivant ce qui n'était qu'esquissé
sur le titre «It's All A Lie», issu de son dernier album en 2007, ces nouvelles chansons, servies par une production somptueuse, s'éloignent nettement de la pop/rock/folk de qualité des débuts de la chanteuse. 101 alterne
les ballades sombres et tourmentées et des «instantanés» pop et enlevés,
qui vont apporter la lumière et la légèreté nécessaire à cet opus.
Disque très référencé
musicalement, 101 réinterprète la pop, le funk, la folk avec une créativité
évidente. Dans le single de l'album «My Name Is Trouble», la basse et le
Clavinet de ce titre qui aurait pu constituer un hit funk trente ans plus tôt,
cédent désormais leur place aux synthés. La voix évanescente de Keren
Ann apporte à ce brillant exercice de style une distanciation qui
fascine, loin du groove brûlant du funk des seventies. «Sugar Mama» est
un clin d'oeil à la pop anglo-saxonne des années 60. Soutenue par un kit
de batterie léger, à la façon de Ringo Starr, cette mélodie aux
intonations faciles est là aussi d'une belle maîtrise de style. Quant à
l'excentrique tango up-tempo, «Blood On My Hands», sa musique faussement
désinvolte ne fait qu'augmenter l'impact de ses paroles: «He pulled out a
winchester pre-64/And said "are you ready to kill ?"/ There was blood
on my shoes/there was blood on my makeup […]». Les refrains low-fi, comme
sortis d'un vieux poste de radio apportent un savoureux contraste à cet album si soigné.
Mais
plus encore que ces titres pop, ce qui fait de 101
un album remarquable, ce sont ses
ballades capiteuses. Seule la folksong douce-amère «All The Beautiful
girls» pourra rappeler la Keren Ann «au naturel» de l'album La
Disparition (2002). Mais malgré leurs arrangements proches, les paroles très arty
de «All The Beautiful girls» sont
antipodes de celles de la sensible «Au coin du monde». Keren Ann confirme ici, si besoin était, son
talent de mélodiste sensible. «Run With You», une ballade
sensuelle s'inscrit dans la continuité de certains titres de son précédent
album, tel «It's All A Lie». En ayant recours, derrière la voix très près du
micro, à une réverbération généreuse, un effet de profondeur de champ et un
halo sonore très vaporeux sont créés; le court solo de guitare électrique, pris
dans le feu des instruments à cordes embrase la chanson. Mais le sommet de
l'album, c'est «You Were On Fire» le soleil noir de 101. «You were on fire/Tainted in the sun/You ran
against the raging wind/Decadent and drunken with desire»: ces paroles troubles
et belles sont exaltées par une musique somptueuse. Après une première partie
très gainsbourienne, la chanson dévoile peu à peu ses sortilèges sonores sur
les refrains, soutenus là encore par une section de cordes - une constante chez
Keren Ann - et un choeur séraphique qui gagnent progressivement en volume pour
composer un final envoutant.
De
climats étonnamment proches, les deux dernières plages de 101 offrent un superbe travail sur la répétition et
les progressions harmoniques minimalistes. «Strange Weather», distille une
émotion musicale aussi trouble que ses paroles, mystérieuses: «Wake up slowly,
there are blue skies/Cutting white lines in black matter!/I see them shining
through your drunken eyes,/Carving silver is strange weather.» La chanson
titre, «101», comporte une double référence, au psaume 101 de la bible, mais
aussi à ce chiffre 101, la valeur des initiales de Keren Ann en hébreu: kuf
(K), 100, et aleph (A), 1. La chanson est construite selon un décompte de 101
objets, choses, pensées. Un son profond et sombre, un instrumental
vénéneux achèvent de plonger l'auditeur dans une voluptueuse torpeur.
101 réussit le tour de force d'être à la fois d'une
beauté glacée tout en étant souvent flamboyant et toujours d'une émotion à
fleur de peau.
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