Beethoven -
Sonate pour violon et piano en sol majeur, opus 30 n° 3 (1803)
1 - Allegro Assai
2 - Tempo di Minuetto, ma molto moderato e grazioso
3 - Allegro Vivace
Trois grands massifs
dominent l'oeuvre beethovenien: les symphonies, les quatuors à cordes, les
sonates pour piano. La représentation de Beethoven que l'on se fait
aujourd'hui, on la doit à ces pages: l'évolution créatrice vertigineuse du compositeur,
on la mesure plus que tout dans ces trois corpus. De ce fait, ce sont eux qui
ont suscité le plus d'interprétations: musicologiques et instrumentales. Les
sonates pour violon et piano, quoique de facture plus invariablement classique,
restent pour autant des piliers du répertoire. Beethoven qui aimait beaucoup le
violon, le pratiquant en amateur, composera pour lui ses pages les plus
sereines, parmi lesquelles ses dix sonates pour violon et piano*. Les trois
sonates de l'opus 30 ont été composées durant l'année décisive de 1802, celle
où Beethoven prend conscience de sa surdité irrémédiable. Si l'opus 30 n° 2
annonce déjà la nouvelle manière dite «héroïque» du compositeur, les sonates
l'encadrant sont plus classiques de style.
Un
premier motif en gammes, à l'unisson du violon et du piano, tourbillonne sur
lui même, avant un irrésistible envol d'arpèges Crescendo: ce départ est d'une vigueur toute beethovenienne.
Une seconde idée, toujours dans la tonalité principale, est présentée au piano
puis reprise par le violon sur de sereines harmonies de sixte; son caractère
mélodieux, le changement de texture, apportent une réponse exquise à la phrase
initiale. Le véritable second thème, à la dominante mineure ré, se voit zébré de fébriles trémolos tour à
tour par le violon puis le piano qui en accentue le caractère frondeur. Les
oreilles les plus attentives remarqueront la codetta de l'exposition, amusante a
posteriori, en batteries de doubles croches
à la main gauche du piano, sous des octaves piquées de la droite, avec ses sforzando
en syncopes: n'est-ce pas la matrice de la
quatrième étude de L'art de délier les doigts de Czerny, le plus illustre élève de Beethoven? Le
développement, très resseré, n'à guère le temps d'installer une quelconque
dramatisation. Sa progression est toutefois intéressante; construit d'abord sur
une cellule de la codetta passant dans les tonalités de la mineur, si mineur et do dièse
mineur, il exploite ensuite dans un
parcours modulant inverse - do dièse , si, la - le motif liminaire
du mouvement. Une vigoureuse descente en gammes, crescendo annonce la réexposition, tout à fait régulière.
On a
souvent pointé du doigt la supposée faiblesse mélodique de la musique de
Beethoven**. C'est faire là un mauvais procès au compositeur dont la technique
s'est souvent nourrie du matériau mélodique le plus ordinaire, pour mieux le
tailler, le polir, ici le dissimuler à l'intérieur de la polyphonie, là le
caler à la basse: faire court et prégnant, voilà la clé, en atteste le
grandiose premier mouvement de la Cinquième Symphonie. Mais les «beaux thèmes» sont réels chez Beethoven.
Celui commençant le mouvement de cette sonate en fait partie. Il est exposé par
le piano dans la tonalité de mi bémol
majeur, puis repris par le violon. Est-ce son motif de tête en rythmes pointés
qui lui donne cette noblesse de maintien? Le soin apporté à la conduite de sa
basse en noires égales? Sa progression faite de courtes cellules insensiblement
variées? Probablement un peu des trois. Cette mélodie est à mon sens la plus
belle inspiration mélodique de Beethoven, qui, bien inspiré s'en sert comme
d'un fil rouge tout au long de cet ample mouvement.
La
bonne humeur: voilà un trait de caractère saillant de la musique de Beethoven!
loin des méditations métaphysiques des derniers quatuors et sonates pour piano,
on trouve aussi chez lui cette robuste gaieté, a fortiori dans ses jeunes années. Le Finale de la Sonate opus 30 n° 3 est imprégné de cette bonne humeur. Comme le Finale
de la symphonie «L'Ours» de Haydn,
autre plaisantin notoire du moment, et dont Beethoven est le fils spirituel, ce
rondo exhale un fumet rustique des plus appétissants. Le piano déroule un ruban
ininterrompu de doubles croches, solidement campées sur une pédale de tonique
en valeurs longues: ce bourdon confère d'emblée un caractère populaire à
cet Allegro Vivace. Puis le
violon expose le thème principal, où du moins ce qui en fait office: un motif
ascendant on ne peut plus élémentaire… et donc tout à fait beethovenien! Un
premier couplet consistant en formules cadentielles, un deuxième au relatif
mineur reprenant le motif initial, un troisième plus développé et aventureux
harmoniquement, s'enchainent. La coda, par le moyen d'un emprunt au sixième
degré abaissé débute dans une étrange tension: c'est pour mieux revenir à la
tonalité principale, et pour une fin d'autant plus éclatante.
La sonate pour
violon et piano la plus populaire de Beethoven a toujours été, et sera toujours
la cinquième, opus 24 «Le Printemps»: laissons-la un moment et réécoutons cette
réjouissante Sonate en sol
majeur opus 30 n° 3.
* Maynard Solomon, Beethoven, Fayard, 2003, p. 148-149.
** Leonard Bernstein le fit, concernant les Sixième et Septième Symphonies du compositeur, lors de miniséries télévisées diffusées en 1982 sur CBS, ceci pour en mieux vanter la puissance rythmique et le génie structurel. On pourra visionner cette vidéo d'un internaute, qui apporte une réponse argumentée à Berstein.
** Leonard Bernstein le fit, concernant les Sixième et Septième Symphonies du compositeur, lors de miniséries télévisées diffusées en 1982 sur CBS, ceci pour en mieux vanter la puissance rythmique et le génie structurel. On pourra visionner cette vidéo d'un internaute, qui apporte une réponse argumentée à Berstein.