Claudio Monteverdi - L'Orfeo (1607)
Opéra disponible à l'écoute sur musicMe en cliquant ici
5 octobre 1600. Florence.
Mariage de Henri IV avec Marie de Médicis. Dans les appartements de Antonio de
Médicis, est créé le lendemain, pour
célébrer l'événement, Euridice du
compositeur Jacopo Peri (1561-1633). Dans l'assistance: Vincenzo Gonzaga, duc de
Mantoue, dont la femme n'est autre que la soeur de Marie de Médicis. Piqué par
ce qu'il vient d'entendre, le duc commande à son propre
maître de chapelle, également une oeuvre «où l'on parle en musique»… L'Histoire
est en marche.
L'Orfeo est une oeuvre exceptionnelle à plusieurs titres. Pour le geste politique qu'elle répresente: en demandant à Monteverdi de traiter le même sujet que Peri, le très fier Vincent de Gonzague, entend prouver qu'à sa cour officie le plus grand compositeur de l'époque. Pour sa modernité: l'orchestre de L'Orfeo, extraordinairement riche et diapré, évolue au plus près du drame avec une souplesse inouïe à l'époque. Pour sa valeur artistique: l'oeuvre de Peri, qui reste aujourd'hui le premier opéra intégralement conservé de l'histoire de la musique, était avant tout un retour à l'antique, soucieux de ressusciter la tragédie grecque; une expérience d'érudits. L'opéra de Monteverdi est une réussite absolue.
L'Orfeo est une oeuvre exceptionnelle à plusieurs titres. Pour le geste politique qu'elle répresente: en demandant à Monteverdi de traiter le même sujet que Peri, le très fier Vincent de Gonzague, entend prouver qu'à sa cour officie le plus grand compositeur de l'époque. Pour sa modernité: l'orchestre de L'Orfeo, extraordinairement riche et diapré, évolue au plus près du drame avec une souplesse inouïe à l'époque. Pour sa valeur artistique: l'oeuvre de Peri, qui reste aujourd'hui le premier opéra intégralement conservé de l'histoire de la musique, était avant tout un retour à l'antique, soucieux de ressusciter la tragédie grecque; une expérience d'érudits. L'opéra de Monteverdi est une réussite absolue.
Il faut penser aujourd'hui à
ces quelques secondes en fanfare, introduisant les films de la 20th Century
fox, pour comprendre que la très sonore Toccata introductive à L'Orfeo assure
une fonction comparable. Tout à la fois une façon de capter l'attention des
auditeurs, et de donner à entendre, en musique, la puissance des Gonzague, en
dépit de sa célébrité, rien n'est moins monteverdien que cette page. Avec le
prologue qui suit, et début véritable de L'Orfeo, se manifeste symboliquement l'entrée dans le
baroque. Monodie accompagnée: le
procédé, va mettre à mal quatre siècles de cette tradition polyphonique qui
n'avait que faire des mots, tout à son ordonnancement complexe et à sa
perfection formelle. Le fascinant motet à quarante voix, Spem In
allium, «édifié» par Thomas Tallis
(1505-1585) est de ce point de vue exemplaire. Avec la monodie désormais, c'est
le texte qui gouverne la musique, chargée d'en représenter musicalement le
contenu émotionnel.
Le très pastoral premier acte
et tout le début du deuxième ne sont que la célébration sans ombres de la venue
des noces d'Orphée et Eurydice. Le héros grec, autrefois repoussé par la belle,
a enfin trouvé la félicité auprès d'elle. Nymphes et bergers sont tout à leurs
danses, récits, choeurs… Irruption alors foudroyante! Une funeste messagère,
Silvia, apporte avec elle une terrible nouvelle: Eurydice, mordue par un
serpent venimeux alors qu'elle cueillait des fleurs, est morte dans ses bras.
D'acte I, à la recréation française de l'oeuvre par Vincent d'Indy en 1904, il
n'y en eut tout simplement pas. Le musicien le supprima, car ne consistant
«qu'en chansons et en danses pastorales*»: déséquilibre structurel regrettable.
Car avec cette messagère, Monteverdi fait entrer le tragique dans l'opéra en
son exact centre de gravité, au centre du deuxième des cinq actes; en
compositeur et dramaturge virtuose, il délaisse violons et flûtes pour mieux
entourer la messagère d'orgues funèbres. Enchainant les modulations âpres, il
joue de la brutalité extrême du contraste. Virtuosité d'écriture/virtuosité
instrumentale: si la première fut portée à un rare degré dès l'Ars Nova au XIV
siècle, la seconde naît avec le baroque. Monteverdi, au début du troisième
acte, fait se rejoindre les deux. Orphée se voit refuser l’entrée des enfers
par son gardien : Charon, personnage sciemment taillé à coups de serpe,
vocalement monolithique, ne peut qu'impressionner l'auditeur. Croyant
l'émouvoir, Orphée entonne alors un chant… Si les sopranos devront attendre
Mozart pour avoir leur Reine de la nuit, les ténors l'ont déjà avec ce
«Possente spirto», souvent considéré comme la première aria à vocalises du
répertoire. Dans ces six strophes, à défaut d'attendrir la bête, ce à quoi il
ne parviendra qu'au son de sa lyre, Orphée, fou de désespoir, parvient encore à
fasciner l'auditeur du XXIème siècle par ses prouesses. La suite du mythe est
connue: elle appartient à l'imaginaire collectif. Ici comme à l'entrée de la
messagère, c'est en coloriste que Monteverdi donne entendre le drame qui se
joue dans ces abimes. Après sa Canzone prématurément
victorieuse, lorsque Orphée se retourne vers son amante, la perdant à jamais,
c'est au son de l'orgue de l'acte II. Dans l'édition de 1609, Orphée,
contrairement à la tradition grecque n'est plus lacéré par les bacchantes,
mais, sur les conseils de son père Apollon, monte au ciel, abandonnant ici-bas
sa colère et ses passions passées. Avec cette Ascension, l'opéra perd en puissance dramatique ce qu'il gagne
en symbolique christique.
L'Orfeo, qui, ce 24 février 1607 n'a été entendu que de
quelques aristocrates privilégiés, n'est rien de moins que l'ouvrage fondateur
de l'opéra occidental et un de ses plus grands chefs-d'oeuvre.
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* Vincent D'Indy, préface de L'Orfeo, editions scola cantorum, Paris,1905.