12 mai 2014

Sade - Promise (chronique smooth jazz/soul)


Sade - Promise (1985)



1 - Is It A Crime
2 - The Sweetest Taboo
3 - War Of The Hearts
4 - You're Not The Man
5 - Jezebel
6 - Mr Wrong
7 - Punch Drunk
8 - Never As Good As The First Tim
9 - Fear
10 - Tar Baby
11 - Maureen



     
     Helen Folasade Adu; c’est le nom complet de la chanteuse éponyme de Sade. Certes, mais n’en déplaise à la musicienne, Sade n’en est pas moins un collectif: Sade donc, son alter ego en musique Stuart Matthewman à la guitare et au sax et avec qui elle assure l’écriture de la plupart des titres, Paul Denman à la basse, et Andrew hale aux claviers. Sweetback, le projet parallèle de  Matthewman, Denman et Hale dans les années 90, permet de s’assurer de la complémentarité de ces musiciens. Leur premier album homonyme en 1996 - d’ailleurs très plaisant - avec Amel Larrieux au chant, à souvent les accents du Sade smooth électro de Love Deluxe (1992), peut-être plus urbain, peut-être parfois plus trip-hop/hip-hop selon les titres, mais avec cette même maîtrise des «ambiances». Promise est le second des sept albums studio de Sade en trente ans de carrière du groupe. Succédant à Diamond Life en 1984 il en forme comme le second volet. Se trouve dans cette musique l’archétype du smooth jazz des années 80, à destination d’un public blanc: beaucoup plus de smooth que de jazz donc. Mais, teinté d’une sensualité soul à la Marvin Gaye, d’un groove évident, Promise possède un pouvoir de séduction qui trente ans après reste assez élevé. 

     Avec «Is It A Crime» en ouverture, les griefs sont les mêmes qu’un an plus tôt sur «Smooth Operator». Encore une histoire de beau parleur. Sur ce précédent titre, les premiers mots placés sur une quarte augmentée très alanguie les rendaient presque dérisoires, ici la ligne de chant se fait plus émotionnelle. Le glamour instrumental des cuivres dans l’introduction, la perfection de l’arrangement, feraient presque oublier qu’on n’est ici en présence que d’une simple cadence parfaite en do mineur! Encadrée ici par un sixième degré, là par une substitution du triton, elle n’en reste pas moins le b.a.-ba de l’harmonie! Quant au contraste entre ces alliages de timbres suggestifs et les accords tenus d’un orgue aux accents liturgiques dans le premier couplet, il est simplement magique. Alors un bémol forcément pour le très court solo de piano, aux appoggiatures maladroitement écrasées et qui plombent celui-ci. Mais «Is It A Crime» est bien peu face à «Fear» qui en retrouvera la somptueuse palette et les timbres diaprés, ici sublimés par des arrangements d’un baroque flamboyant. Quant au texte, il déploie une force des métaphores qui n’a rien à envier à l’instrumental de la chanson.
     Promise aborde à vrai dire une plus grande variété d’horizons musicaux, de couleurs, d’émotions que Diamond Life, qui était peut-être plus monochrome que réellement homogène. C’est cette variété qui donne lieu entre les chansons à des transitions d’une qualité parfois admirable, comme pour l’enchainement «Is It A Crime»/«The Sweetest Taboo»; après le climat très «round midgnight» de l’une, les harmonies au cordeau et le groove tonique de l’autre deviennent des plus exaltants. Mention à la superbe partie de batterie sur ce second titre, atypique avec son pattern alternant cross-stick et coup droit sur la caisse claire et faisant un large usage des syncopes. Les paroles en sont gentiment allusives, smooth oblige. On pourra trouver la chanson «Mauren» sans grande consistance , mais, de la même façon,  il faut reconnaitre qu’en terminant l’album sur une note plus légère , et après tous ces titres entre chien et loup, elle gagne en nécessité dans la tracklist. 
     Promise livre pour la première fois des accents de lyrisme, l’émotion qui pouvait manquer sur Diamond Life: «You’re Not The Man» et surtout la sublime «Jezebel». Mais, chose inédite également chez Sade, les chutes d’inspiration sont perceptibles ; ainsi l’instrumental «Punch Drunk», , une sorte de blues au kilomètre, ne fait pas longtemps illusion. Les lignes de sax de Matthewman, qui semblent ici comme s’enrouler autour d’une barre de pole dance, deviennent trop ostensiblement sexy. C’est à ce genre de facilités coupables que le smooth jazz devra sa mauvaise réputation.  Le saxophoniste Kenny G, sur son album Duotones (1986) citera Sade - comme influence? -  sur un titre homonyme. Le funk popisant et typiquement 80’ de «Never Good As The First Time» semble lui avoir servi de matrice tant le son de ces deux titres est proche. Les lignes des basses de Paul Denman sont parfois d’une surprenante efficacité, comme sa relecture de «Billie Jean» sur «Hang On Your Love» (Diamond Life), mais ici cette basse slappée, la batterie compressée, enferme «Never Good As The First Time» dans les eighties.

     Malgré quelques moments complaisants, Promise offre le haut de gamme du smooth Jazz, avec des qualités de sons, de climats, et une nécessité musicale qui manquent trop souvent au genre.

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10 février 2014

Chopin - Polonaise en la bémol majeur, opus 53/«Héroïque» (analyse)

Chopin - Polonaise en la bémol majeur, opus 53 (1842)




La Polonaise en la bémol majeur opus 53 sous les doigts de Arthur Rubinstein, son meilleur ambassadeur, et qui en fera un de ses chevaux de bataille au concert:





     De Chopin, on a conservé seize polonaises pour le piano: sept furent éditées de son vivant, les trois de l'opus 71 publiées à titre posthume, et six oeuvres sont sans numéros d'opus. Alors que les Nocturnes représentent l'aspect le plus introverti et rêveur de la musique du compositeur, ces Polonaises, d'un caractère souvent feu et flamme, sont des pages écrites d'une plume puissante. Celle-ci, dite «Héroïque» n'a pas été surnommée ainsi par Georges Sand sans raison: son panache n'a d'égal que les moyens sonores considérables qu'elle réclame de son interprète. C'est assurément la plus célèbre des seize, et à juste titre. Car, si la trop fameuse Marche Funèbre du compositeur, est bien inférieure au reste de la Sonate en si bémol mineur dont elle est extraite, d'une géniale noirceur, cette polonaise exhalte le genre chez Chopin. Son interprétation, il est vrai très gratifiante, donne d'ailleurs trop souvent lieu à des effets de manche de la part des interprètes. La pièce est en coupe tripartite, deux parties principales autour d'un trio central suivi d’un intermède lyrique, et encadrées elles-mêmes pas une introduction et une coda.

     C'est en visionnant Shine (1996), film retraçant l'histoire du pianiste David Helfgott, que j'eus ma «révélation chopinienne». Une scène fameuse de ce long-métrage met en scène le jeune David jouant au débotté à une audition d'élèves la Polonaise en la bémol majeur opus 53 devant une assistance d'abord perplexe - l'oeuvre est difficile - puis médusée par les dons du jeune garçon. Cette scène est étonnante et exemplaire, car sa progression semble une illustration par le médium cinématographique de ce qu'un auditeur peut ressentir à l'écoute de l'introduction magistrale de l'opus 53! Une double octave, une montée chromatiques en accords de sixte, trois accords énigmatiques… L'accord qui suit à la mesure cinq, fa bémol sur une basse de mi bémol n'est pas seulement abrupt en lui-même: il est mis en scène! deux mesures d'un brouillard harmonique menaçant précédent ainsi cette détonation, jouée qui plus est sforzando! Ces salves d'accords de sixte ne sont pas nouvelles sous la plume de Chopin, mais empruntées à l'Allegro maestoso du Premier Concerto pour piano (1830); son développement en faisait déjà un usage électrisant, contrepoint au lyrisme poudré des thèmes précédemment exposés. Ici, derrière ces harmonies dissonantes et jusqu'à l'exposé du thème, les choses en réalité sont simples: une élémentaire cadence parfaite en la bémol majeur, étirée sur dix-sept mesures! Le célébrissime thème principal de l'oeuvre peut alors faire son entrée, sur de profondes basses en octaves. Comme indiqué dans le manuscrit autographe, on prendra ces dernières dans la pédale, pour parvenir au «Maestoso» indiqué en préambule de l'oeuvre, et non pas en sautillant d'octave en octave! Après un trait en gammes balayant crescendo tout le clavier et de très sonores accords cadentiels, le fameux thème est repris à l'octave supérieure, dans un éclatant fortissimo, ponctué de trilles semblant imiter des roulements de tambour. Pour tout dire, si héroïsme il y a dans ces pages, celui-ci est en partie conditionné par la signature rythmique martiale qui caractérise le genre de la polonaise: une longue/deux brèves/quatre longues, et qui semble appeler une écriture puissante. Toutes les polonaises de la période parisienne du maître, soit à partir de l'opus 26, partagent d'ailleurs un peu de cet héroïsme: la tapageuse Polonaise opus 40 n° 2 dite «Militaire» a su habilement tirer parti de ce motif typique, et ainsi faire oublier une inspiration vacillante. Un premier épisode contrastant prend la forme d'une progression mélodique en octaves, se coulant dans un rythme des plus resserés, et lui conférant un caractère presque guerrier avec ses pressantes triples croches. Le thème sera ensuite repris une fois avant le morceau de résistance que beaucoup attendent: le trio central. Dans la tonalité éloignée de mi majeur et emmené par des octaves obstinées à la main gauche, ce trio dépayse forcément. Partant d'abord la fleur au fusil, sotto voce, il se grise peu à peu de son propre mouvement pour aboutir forte à une modulation en dièse majeur. Parce que ces octaves sont une véritable épreuve d'endurance physique, certains pianistes se font fort ici, en augmentant le tempo d'augmenter aussi le tour de force… Vladimir Horowitz, qui ne ratait jamais une occasion de montrer ses muscles, était le champion à ce jeu puéril. L'intermède qui suit est pour le pianiste une halte nécessaire, pour l'auditeur un moment de lyrisme appréciable après toutes ces flammèches. Après un dernier exposé du thème, la coda en reprend les éléments. La jouer au tempo suffira; trop de pianistes ici pressent artificiellement le mouvement, parce que c'est la fin et qu'on doit en mettre plein la vue.
     La Polonaise en la bémol majeur opus 53, à condition de l'interpréter au plus près du texte, reste une oeuvre «inusable», d’un pouvoir de séduction unique.

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20 janvier 2014

Stupeflip - The Hypnoflip Invasion (chronique rap)

Stupeflip - The Hypnoflip Invasion (2011)



1 - Invasion
2 - Stupeflip vite!!
3 - La menuiserie
4 - Gaëlle
5 - Chek da Krou
6 - Le spleen des petits
7 - Dangereux!!
8 - Hater's Killah
9 - Strange Pain
10 - Gem lé moch'
11 - Sinode pibouin
12 - Ce petit blouson en daim
13 - 72.8 mhz
14 - Dark Warriors
15 - Lettre à Mylène
16 - Ancienne prophétie
17 - Apocalypse 894 
18 - La mort à Pop-Hip
19 Le coeur qui cogne
20 - Keep The Faith 
21 - Région Est




     «Prendre des petits bouts de trucs et puis les assembler ensemble»: c'est l'improbable alchimie de Stupeflip. Le résultat est un monde en soi, retraçant la naissance, le fonctionnement, et les motivations du CROU. King Ju, Cadillac et MC Salo ont en l'espace de trois albums imposé leur style singulier, potache et attachant, dans le rap français. Attention! Le délire revendiqué et une inégalité d'inspiration de tous les instants ne doivent pas masquer le talent bien réel du trio, dans les textes et la musique. Ce nouveau LP, financé à l'arrache par des fans après que les trois sales gosses se soit fait remercier en 2005 par leur producteur BMG, est paradoxalement le plus pro du groupe. Finies les bidouilles de Stupeflip (2003) et Stup Religion (2005) sur SoundEdit, The Hypnoflip Invasion a été entièrement mixé au très réputé Studio Ferber dans le XXème arrondissement de Paris. Ajoutés à cela un recentrage sur le rap et un relatif abandon des riffs cradingues à la Bérurier noir, The Hypnoflip Invasion gagne en muscle.

     «le Stupeflip CROU ne mourra jamais» proclame la voix caverneuse passée dans la moulinette d'un vocodeur dans «Invasion», l'introduction de The Hypnoflip Invasion. Ces bouts de dialogues de SF de série Z, posés un peu n'importe où sur et entre les titres, sont le fil rouge faussement conducteur de ce nouvel album, en cela semblable aux précédents. Surtout, ne pas chercher à comprendre! D'ailleurs, même Julien Barthélémy, alias King Ju/Pop-Hip à la scène, ne sait pas ce qu'est le CROU*. En 2003, ces intertitres, de parodies loufoques de Star Wars en collages bizarres, avaient la fraicheur de la nouveauté et faisaient de Stupepflip un foisonnant foutoir. Aujourd'hui, cette multiplication de pistes donne parfois un aspect filandreux à The Hypnoflip Invasion: «Strange Pain», «Dark Warriors», «Ancienne prophétie» étaient-ils bien indispensables? C'est lorsque Julien Barthélémy, qui revendique se désintéresser des paroles, se concentre sur le seul impact rythmique de ses textes, traitant à l'occasion sa voix comme un instrument à percussions, qu'il est le meilleur. Il faut l'écouter à la fin de «Stupeflip», extrait du LP homonyme, trébucher volontairement sur «qu'est ce c'est que ce truc» suggérant un charley semi-ouvert! King Ju à une vraie facilité pour les assonances délirantes et les rimes qui cognent: «Donne moi l'courrage/d'aller bouffer tous les nuages», il fallait la trouver celle-là, et «Stupeflip Vite», un des meilleurs sons de l'album gagne sur les deux tableaux, paroles et musique. De ce point de vue, «Hater's Killah» n'est pas tant une dénonciation des no life planqués derrière leur écran qu'un titre au flow magnétique, au refrain aussi invraisemblable qu'addictif! Et quand certaines chansons s'adjoignent des paroles plus concernées et quelques punchlines bien envoyées, alors c'est que du bonus. là où le très régressif «Les monstres» sur le premier album se contentait d'être drôlissime, ici, le superbe «Spleen des petits», une chronique de cour de récréation qui fait se télescoper une silhouette à la South Park et Caliméro, devient d'une étonnante justesse émotionnelle. «Gem lé moch'» me fait le même effet qu'un «Bistouflex» de Seth Gueko: hilarant. Le goût intact de Stupeflip pour l'ego trip et la gonflette verbale sur ce troisième LP en fait un authentique album de rap, sur lequel la synth-pop en toc de «Ce petit blouson en daim» ou «Le coeur qui cogne» jure fortement. Le troisième degré de ces clowneries ne fait que partiellement oublier leur incongruité dans un album aussi ancré stylistiquement. Face à un «Chek da Krou», qui retrouve la hargne anar d'«À bas la hiérarchie» dix plus tôt, ces compos signés Pop-Hip, double artistique de King Ju, semblent jouer petit bras. Non, ce sont des instrus de tueur comme «Stupeflip vite» ou «La menuiserie» qui font l'attrait de The Hypnoflip Invasion. Le premier, avec son sample de synthé plein d'urgence a été sans surprise le single qui tape fort sur le radios en 2011, et le second évoque curieusement plus une aciérie qu'une menuiserie. Alors synth-pop cheap à la Katerine ou brûlots rap punkisants? Il serait bon que Stupeflip choisisse son camp… «La mort à Pop-Hip» quelques pistes plus loin semble apporter un début de réponse satisfaisant. À confirmer au prochain album. 

          Avec The Hypnoflip Invasion Stupeflip livre comme à son habitude un album perfectible et fourre-tout, drôle et créatif. À confirmer au prochain album.

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* «Le Crou a été formé en 1972. Mais, je ne peux même pas le décrire ni l’expliquer car on ne sait pas vraiment ce que c’est, ni qui est le chef dans l’histoire. Ça me fait penser à la série Le Prisonnier, on ne sait pas qui est le numéro 1 du Crou.» a reconnu Julien Barthélémy, répondant à une interview pour le blog Street Tease à l'occasion de la sortie de The Hypnoflip Invasion.

6 janvier 2014

Brahms - Deuxième Concerto pour piano/n° 2/opus 83/ (analyse)

Brahms - Deuxième Concerto pour piano (1881)



- Allegro non troppo
- Allegro appassionato
- Andante
- Allegretto Grazioso



     Quatre mouvements, près de cinquante minutes, plus de 1400 mesures: sur le papier l'oeuvre déjà impressionne! Avec son Second Concerto pour piano, Brahms compose une oeuvre aux proportions symphoniques dans laquelle il explore les nuances du grandiose: un Allegro initial souverain, un scherzo teinté de pathos mais un mouvement lent d'une infinie plénitude, avant un finale merveilleusement ailé. Si les critiques ont reproché au Premier Concerto pour piano du compositeur son aspect de «symphonie avec piano obligé», l'opus 83, bien que de dimensions imposantes est quant à lui d'un équilibre parfait entre soliste et orchestre, à l’intérieur d’une structure touffue mais jamais tortueuse.


     Solitude totale du corniste au début de l'Allegro non troppo. Ses premières notes sont décisives:  mal émises, trop détachées, elles ruineront la poésie de ce motif liminaire! Mais parfaitement legato, elles rendront l'entrée du piano d'autant plus majestueuse; cor naturel ici exclu à mon humble avis. Passé cet immense bien que très court préambule, et avant la véritable exposition orchestrale, une cadence du piano, spectaculaire parce qu'on n'attend pas ce type d'épisode sitôt dans un mouvement, coupe court à la rêverie. D'une poigne ferme elle va imposer le caractère général et le "rythme" du mouvement: puissamment volontaire, souvent épique. Globalement et plus encore que dans toute autre oeuvre du compositeur, dans ce concerto le trait restera large et le geste puissant; dans son exposition du second thème à la mesure 146, le piano, d'une dynamique orchestrale, semble ainsi vouloir rivaliser de puissance sonore avec celui-ci. En plus d'exiger de l'interprète des moyens techniques considérables, ce très long concerto lui impose une concentration et une résistance physique hors normes. Au fil de l'œuvre, d'une extrême variété de climats,  le piano évoluera vers une technique plus fine et l'écriture d'orchestre s'individualisera admirablement: le début du développement, par la magie d'un sixième degré, ce bémol voilant la musique d'une tristesse diffuse, révèle ainsi un art extraordinaire de la demi-teinte, dont Brahms a le secret. Ce développement, construit sur les trois thèmes de l'exposition continue ce travail d'éclairage des différentes facettes de ceux-ci. Puis, sans l'artifice d'aucune pédale de dominante, sans même le théâtre d'un trille bien placé, mais dans une fluidité d'écriture éblouissante, la réexposition commence.
     «Un joli petit scherzo» plaisantait Brahms dans sa correspondance. Que les allergiques à l'esthétique germanique ici s'abstiennent: tout dans cet Allegro Appassionato, dans lequel le piano, impérial, fait de l'orchestre son second, est "bigger than life" ! Le mouvement, en mineur dans une coupe tripartite, fait reposer ses parties encadrantes sur deux thèmes. Si le premier, lancé par un très sonore motif à la double octave fortissimo, parcouru d'haletants silences, est d'un pathos grandiose, le second est une plainte lancinante esquissée par les violons et altos dans leur registre aigu avant d’être  développée par le piano.  Le trio, en majeur et scandé à la noire, prend des allures de pièce d'apparat. La présence d'un scherzo au sein d'un concerto, genre limité aux trois mouvements traditionnels révèle l'ambition du maître. À vrai dire, à plusieurs reprises Brahms pensa introduire un scherzo dans un de ses concertos, tel celui pour violon.
     Après l'extraversion émotionnelle du mouvement précédent, l'Andante prend lui la forme d'une méditation poétique, entonnée par le violoncelle solo de l'orchestre. Le Concerto pour violon du compositeur, déjà dans son Adagio conviait un hautbois à entonner en soliste le thème principal du mouvement; procédé comparable ici, mais rendu différent. Le hautbois, souverainement hissé en haut de l'orchestre exprime plus un sentiment de sérénité olympienne que la méditation intimiste de cet Andante aux vertus émollientes. Ici le traitement parfois très individualisé des pupitres, les alliages diaphanes, les cordes pincées des contrebasses… On croirait par moment entendre le Ruhevoll de la Quatrième symphonie de Mahler.
     Merveilleux Finale! On l'attendait gigantesque et triomphal; cet Allegretto grazioso est un miracle de légèreté, enchainant les entrechats et cabrioles pianistiques sur un duvet d'orchestre. Le refrain de ce rondo-sonate tout en "pointes" avec ses octaves piquées du pianiste est, après l'engourdissement des sens de l'Andante, un réveil plein de malice et d'espièglerie. Après sa reprise par l'orchestre ce thème est suivi d'un motif secondaire, quasi jumeau, n'était ces sixtes plus caressantes, avant un langoureux thème en mineur aux bois et cordes, tzigane comme l'étaient ceux du finale du Quatuor opus 25 ou du Concerto pour violon rappelle que l'on est chez Brahms. Un bref  motif de transition dans la région de la sous-dominante, et puis… le miracle! Un thème plein d'entrain emmené d'abord par le piano, repris à l'orchestre et orné par des traits en gamme du piano, comme des gazouillis. On regrettera juste, car c'est d'une forme rondo-sonate qu'il s'agit dans ce finale, que ce thème ne soit pas celui du refrain, pour pouvoir y revenir encore et encore. 

     Un des plus hauts massif du répertoire mais un des plus difficiles à gravir pour l’interprète. Ce Deuxième Concerto pour piano de Brahms est un pur chef-d'oeuvre.

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28 octobre 2013

Ted Nugent - Scream Dream (chronique hard-rock)

Ted Nugent - Scream Dream (1980)



1 - Wango Tango
2 - Scream Dream
3 - Hard As Nails
4 - I Gotta Move
5 - Violent Love
6 - Flesh And Blood
7 - Spit It Out
8 - Come On Get It
9 - Terminus Eldorado
10 - Don't Cry» (I'll Be Back Before You Know It Baby)




     «Si c’est trop fort, c’est que t'es trop vieux», c'est la devise de Ted Nugent. S'il y a un album en particulier du guitariste de Détroit qui puisse se targuer de faire du bruit, c'est bien Scream Dream. Sur ce sixième album en solo, tous les potentiomètres sont au maximum! Sans surprise donc celui du volume,  mais aussi celui du tempo, qui rarement faiblit; les quelques ballades isolées des albums précédents n'ont plus leur place ici: finies les «Alone», et «Together» et  place au très speed «Violent Love»! Le style de Scream Dream est sans concessions: refus des nuances, refus des contrastes, refus de la complexité, d'où cette impression de brutale spontanéité qui émane de l'album. Prenant ses distances avec les raffinements d'arrangements et de production des albums précédents, Scream Dream, le plus enervé des albums du Motor City Madman, joue cash. La tracklist en béton armé de ce LP penche en revanche et encore plus qu'auparavant du côté d'un hard-blues musicalement goguenard, aux paroles toujours salaces.


     «Wango Tango»: difficile de faire plus rudimentaire que ce riff, se réduisant à deux powerchords teigneux et coriaces. S'appuyant sur ce préambule à la guitare seule, l'entrée de la rythmique, presque punk en dépit d'une production très studio, assure pourtant un minimum syndical qui en a tous les attributs; ces poum-tchac  fonctionnels sont un pari gonflé mais gagnant. Les refrains inattendus du titre qui convient de fantaisistes et insolites choeurs féminins semblent en comparaison assez peu No future pour le coup… Le riff de «Wango Tango», cadet insolent du «You Really Got Me» des Kinks, est évidemment plus malin que banal: son efficacité procède par accumulation, et passées quelques mesures tout ça monte sérieusement à la tête! Quatre pistes plus loin, à l'inverse, la toute fin de «Violent Love», son motif cadentiel assené six fois de suite sembleront vouloir mettre K.O l'auditeur… qui cinq secondes plus tard devra retrouver ses esprits pour affronter un «Flesh And Blood» froidement determiné. Scream Dream est ainsi un album musicalement très physique… mais également assez éprouvant. Le cri perçant de Nugent en introduction de la chanson éponyme, c'est encore une agression auditive, après les vocaux braillards de «Wango Tango»! Cette crudité aurait pu être réjouissante, mais mal mixées, trop en avant, ces voix sont rédhibitoires. C'est d'autant plus regrettable que toute la tracklist souffre de ce parti-pris sonore, le sommet étant atteint sur «Flesh And Blood», littéralement hurlé et même douloureux à l'écoute… Pas étonnant que le Nuge soit aujourd'hui à moitié sourdingue, à force de décibels pendant ses concerts. Heureusement les parties de guitares et la façon dont elles sonnent sont au top, comme toujours chez Nugent. Le choix osé qu'a fait dès ses débuts Ted Nugent de jouer sur une guitare plutôt destinée au jazz, la Gibson Byrdland, pour l'intégrer à son hard-rock, s'est toujours révélé payant, confère l'immense «Stranglehold» sur son premier album (1975). Sur le riff de «Scream Dream» la sonorité mordante de la bête fait des étincelles; quant à la basse/batterie, c'est un rail! On a pourtant souvent reproché à la section rythmique de Ted Nugent d'être en retrait du guitariste. D'accord sur le Double Live Gonzo, qu'a depuis renié son auteur, encore que la faute soit surtout à imputer au mixage. Mais sur «Wango Tango», le jeu un peu sale au médiator de Dave Kiswiney est un régal; sur «Scream Dream», le drumming pragmatique de Cliff Davies fait ressortir d'autant plus les fills du batteur, acérés, au timing parfait. Les titres s'enchainant, une chose surprend sur Scream Dream: cette impression d'un bloc de musique compact plus que d'une suite de titres individuels. Pourquoi «Hard As Nails», si différent, semble pourtant si semblable à «Scream Dream, le titre précédent? Pourquoi «Come On Get it» semble être un second volet de ««Flesh And Blood»? Réponse: leur tonique, la… Huit des dix titres de l'album sont d'ailleurs dans ce la mineur blues: une sorte d'exploit. Seul le sarcastique «Terminus Eldorado» "s'aventure" dans le mode de mi. Quant à «Spit It Out», la compo ose même la tonalité de ré… majeur! À ce refus de la variété tonale sur Scream Dream s'ajoute une omniprésence des grilles de blues. Parfois, AC/DC n'est pas loin, comme sur le très potache «I Gotta Move, blues speed expédié en à peine plus de deux minutes chrono en main. Cette radicalité de Scream Dream en fait sa force.

     Artistiquement, Scream Dream marque la fin d'une époque pour Ted Nugent: celle des albums enregistrés pour le compte de Epic Records, la meilleure. Les albums suivants du Motor City Madman, qui signera entre temps sur le label Atlantic ne retrouveront plus cette intensité.

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14 octobre 2013

Pachelbel - Canon et Gigue en ré (analyse)

Johann Pachelbel - Canon et Gigue en



1 - Canon
2 - Gigue




     Toutes versions, adaptations, et autres relectures additionnées, combien de vues sur YouTube? Dix millions? Au bas mot; 50 millions? probablement; 100 millions? c'est possible; mais combien de réellement recevables stylistiquement? Peut-être une dizaine tout au plus. Le Canon de Johann Pachelbel (1653-1706), en concurrence avec cette autre scie qu'est l'Adagio d'Albinoni, est la page de musique classique la plus malmenée par ses interprètes; sur YouTube les preuves sont accablantes! Des sentimentaux qui lui collent des pizzicati d'altos en arpèges, très petits chatons de carte postale, aux guitar heroes qui le lardent de power chords, en passant par les "profanateurs" qui le variétisent alla Rondo Veneziano, rien n'aura été epargné à ce pauvre canon. On en finirait par oublier que l'oeuvre n'est pas aussi mauvaise que sa réputation, qui depuis la version/révélation de Jean-François Paillard l'a devancé.

     Si le trop fameux Adagio d'Albinoni, que beaucoup croient être d'Albinoni lui-même (1671- 1751) date en réalité de 1945 et n'est qu'un pastiche dû à la plume du musicologue Remo Giazzotto*, le Canon de Pachelbel est plus vraisemblablement authentique. En 1919, le musicologue allemand Max Seiffert s'attelle à une édition imprimée des oeuvres de Pachelbel,  alors essentiellement réputé pour sa musique d'orgue - dès la fin du XVIIème siècle, le jeune Jean-Sébastien Bach en recopiait déjà la musique, la nuit en cachette de son frère aîné! C'est dans une bibliothèque de Berlin, que Seiffert, au cours du dépouillement d'un fond d'archives, exhume entre autres manuscrits inédits de l'auteur, la fameuse relique: une copie manuscrite du Canon par un auteur anonyme**. Un collègue de Seiffert, Gustav Beckmann, sans doute stimulé par cette découverte, publie la même année une étude, Johann Pachelbel als Kammerkomponistle Canon dont c'est là la première édition est reproduit en appendice de l'étude, et se voit pour la première fois - mais non la dernière - amputé de sa gigue. Les interprètes oublieront ainsi souvent que, comme son titre complet Canon et Gigue l'indique, à ce célebrissime canon fait suite une gigue. Si l'on suppose que ces Canon et Gigue sont eux mêmes les seuls rescapés d'une suite de plus grande ampleur, alors,  il n'y a pas lieu de s'en formaliser**.
     Que nous dit l'analyse de la partition? D'abord que ce Canon est construit sur une progression harmonique - I-V-VI-III-IV-I-IV-V pour être complet - répétée toutes les deux mesures. Ici sans doute réside l'explication à la large audience de la pièce; de ce point de vue le tube posthume de Pachelbel se rapproche d'autant plus d'une grille d'un titre de pop ou de rock qu'il s'éloigne du fondement de la musique classique, son recours à l'écriture, qui par définition lui permet d'accéder à la complexité… mais également de semer quelques auditeurs sur le chemin. Comme l'implacable Boléro de Ravel, qui, trois siècles plus tard répètera son obsédant ostinato rythmique pendant 340 mesures, le Canon de Pachelbel répète sa basse obstinée tout du long de ses 57 mesures; il n'en est que plus imparable. Fixées sur ce rail, Les parties mélodiques des trois violons, en canon donc, se décomposent en douze variations; Tel un filet de miel dans une gorge prise, celles-ci ne sont que tierces et sixtes délicieuses à même d'apaiser l'oreille du mélomane pressé, en quête de grande musique certes, mais à condition qu'elle reste easy listening. Dans la pléthore de versions tout confort disponibles, conduites à un train de sénateur, il aura l'embarras du choix. Quiconque consultera d'ailleurs la partition aura un choc à la vue de sa mesure: 4/4… donc à la noire! Alors pourquoi si souvent prendre ce Canon à la croche et lui donner cette côté tellement petit-bourgeois? Difficile ainsi de se sortir honorablement de la Gigue qui lui fait suite, à moins d'attaquer celle-ci en triplant le tempo, ce qu'on aura bien sûr le bon goût de ne pas faire. De facture française par son écriture imitative elle reste d'esprit italien par sa verve et ses moulinets de croches, d'où la nécessité de la prendre à un tempo vif. C'est avec ce genre d'oeuvres qu'on  mesure le mieux l'apport des interprétations «historiquement renseignées» et le dépoussiérage qu'elles ont effectué sur le répertoire baroque. La version idéale en fait partie: Rheinard Goebel, ensemble Musica Antiqua Köln (1995). La Rolls des formations sur instruments anciens allie une insolente somptuosité orchestrale avec la connaissance du style des baroqueux, pour un résultat d'une séduction instrumentale hélas trop rare dans cette page.

     Bien interprété, le Canon et Gigue de Pachelbel n'est pas le boulet que certains décrivent***. Mieux, l'oeuvre est la voie d'accès privilégiée aux magnifiques Musicalische Ergötzung du même Pachelbel, plus denses, plus nourrissantes. 

 ✰ ✰   

* Alain Duault, «Albinoni n'a pas composé l'adagio qui a fait sa gloire», Le Figaro, 01/01/1970.
** Norbert Mülleman, préface de l'oeuvre, éditions Henle.
*** Le symphoman, «Le canon de Pachelbel l'est-il vraiment?», publié sur Qobuz le 20/11/2012.


Le Canon de Pachelbel dans la version superlative du Musica Antiqua  Köln: 



30 septembre 2013

jean-Michel Pilc Trio - Live At Sweet Basil vol. 2 (chronique jazz)

Jean-Michel Pilc Trio - Live At Sweet Basil vol. 2 (2000)



1 - Honeysuckle Rose
2 - On Green Dolphin Street
3 - My Funny Valentine
4 - 262
5 - Bessie's Blues
6 - My Köln Concert
7 - Tea For Two
8 - Together
9 - All Blues


Album disponible à l'écoute sur Deezer en cliquant ici

     
     Depuis près de 25 ans maintenant avec son premier album solo Funambule (1989), Jean-Michel Pilc déstructure les standards, leur infligeant les plus radicales distorsions, pour mieux en faire ressortir un pouvoir de subversion insoupçonné. Le jazz de cet ancien ingénieur au Centre National d'Études Spatiales, en soliste ou en sideman, est celui d'un autodidacte anticonformiste, souvent iconoclaste: les «So What», «Giant Steps», et autres «My Funny Valentine», c'est à rebrousse-poil qu'il les "caresse". Si en sideman Jean-Michel Pilc a pu discipliner son jeu, notamment sur le très beau Midnight Sun (2004) d'Elisabeth Kontomanou, en trio avec François Moutin à la basse et Ari Hoenig à la batterie, le pianiste poursuit depuis 1997 une carrière explosive. Le double Live At Sweet Basil paru en 2000 est une réunion au disque de deux concerts distincts: les 25 et 28/02/1999 pour le premier volume et le 24/04/2000 pour le second. Si à deux ans d'écart on y retrouve les mêmes qualités, le second volume à l'avantage d'être plus fourni en classiques du Real Book.

     Qu'elle semble loin la bonhomie espiègle de Fats Waller sur cette version anguleuse et métallique de «Honeysuckle Rose» qui débute le set. C'est en filigrane que le standard de Waller, qui abandonne ici sa jovialité stride originelle pour des lignes éclatées, parcourt toute la pièce. Entrecoupées de glissandi teigneux du pianiste qui semble vouloir lacérer le clavier, des bribes du thème, appuyées jusqu'à en être surtimbrées, permettent pour qui en doute de s'assurer que c'est bien «Honeysuckle Rose» qui est joué là. Le trio Pilc/Moutin/Hoenig récidivera avec «So What» sur l'album Welcome Home deux plus tard, en répétant sur un mode maniaque le motif fameux du standard de Kind Of Blue, pour paradoxalement mieux se distancier la plupart du temps de son esprit cool. Sur ce Live At Sweet Basil, si Moutin est globalement plus en retrait, la rapidité des réflexes de Hoenig à la batterie, au plus près des intentions du pianiste est à saluer. «On Green Dolphin Street» le voit particulièrement inspiré, en particulier à la toute fin du morceau, quitte à mordre un peu sur l'espace du bassiste; Pilc toujours à ses frasques pianistiques monte déjà bien en température en ce début de set. Il y a chez ce pianiste une hantise de la joliesse, de la consonance trop confortable des accords classés, auxquelles il a toujours préféré les frottements des secondes, septièmes, autant d'intervalles qui écorchent délicieusement l'oreille. Cette jouissance dans la "fausse note" est évidente avec ce motif martelé à 1.44 de «Honeysuckle Rose» comme un fait exprès précédé d'un insolent silence, comme pour le souligner au marqueur rouge! Et pourquoi exposer un thème dans une seule tonalité alors que pour en augmenter les propriétés abrasives, il suffit de le doubler à des intervalles que la théorie bien sûr réprouve? Confère «All Blues» à l'autre extrémité de la tracklist; le thème de Miles Davis, après l'entrée de son motif d'accompagnement, le voit repris au demi-ton supérieur tout là haut, à la main droite… Petrouchka au Sweet Basil! Car il y a du Stravinsky chez Pilc, dans ces lignes émaciées, criardes et ouvertement bitonales. Sur «Tea For Two», comme un peintre cubiste se jouant de la perspective et des volumes, le pianiste français met à plat en les répétant, en butant dessus, ici un bout de phrase, là un motif. Les thèmes, Pilc les expose sous toutes les coutures, en révèle tous les côtés cachés, les potentialités! De ce point de vue, les amateurs de Martial Solal, apprécieront à n'en pas douter les acrobaties thématiques de Pilc, son fils spirituel… un soupçon de brutalité en plus. Ainsi, à une minute du début de cette vieille rengaine de Vincent Youmans, quatre traits: le dernier semble interrompu par accident… avant de se fracasser sur un accord cinglant; tellement cinglant qu'on croit à un bris de verre. Cette sensation de matière que le pianiste arrive à tirer de son instrument, plus qu'étonnante, est surtout d'une audace assez insolente. Le verre pilé de «Tea For Two», mais aussi le métal chauffé à blanc de «Bessie's Blues, ou encore les mitraillement en rafales de «Together» ou la coda de «All blues», avant les dernières déflagrations signalant la fin du set!

     Un jazz brûlant, d'humeur très versatile, d'une grande liberté de style, d'un engagement physique impressionnant, provoquant une sensation de jaillissement extraordinaire.

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