20 mai 2013

Whitney Houston - Whitney Houston (chronique pop/soul)

Whitney Houston - Whitney Houston (album) (1985)




1 - You Give Good Love
2 - Thinking About You
3 - Someone For Me
4 - Saving All My Love For You
5 Nobody Loves Me Like You Do
6 - I  Will I Know
7 - All At Once
8 - Take Good Care Of My Heart
9 - The Greatest Love Of All
10 - Hold Me




     Une mise en garde s'impose pour les personnes diabétiques, qui, attirées par la jeune biche sur la pochette, seraient à deux doigts de craquer pour ce premier album de Whitney Houston: le sucre y est présent à une telle concentration que la crise d'hyperglycémie leur est promise à son écoute. Pour les autres amateurs de sucreries, l'écart est permis, et même recommandé. Presque monothématique, Whitney Houston n'a d'yeux que pour l'amour, qui n'est pas encore un «sport de contact» pour l'Américaine, et qu'elle aborde ici avec une candeur désarmante! Et si un titre, un seul, s'éloigne du sujet, c’est pour mieux peindre un très tendre bonheur familial. Le disque suivant de la chanteuse, Whitney (1987), malgré ses qualités, substituera parfois au sucre naturel de ce premier LP, un "sirop de glucose" à la saveur nettement moins authentique.


     Une jeune ingénue, en quête de l'homme idéal, comprend que celui dont elle a besoin est juste à côté d'elle. C'est sur cette prise de conscience d'une louable sagesse que débute l'album, qu'on devine déjà moralement irréprochable! La production rayonnante de la chanson semble être une réponse à ce choix amoureux réfléchi; et la musique de ce «You Give Good Love», pop sensuellement soul, d'esquives harmoniques en modulations impromptues, se pare de raffinements d'écriture étonnants sur un disque aussi mainstream. Une croyance ancrée veut que les très bons albums puissent se reconnaitre dès leurs premières secondes… Les contres-exemples ne seraient pas longs à trouver mais qu'importe: ce «You Give Good Love» a une classe folle. Tout l'album d'ailleurs, qui couta 400 000 dollars à produire, une somme alors considérable pour un premier LP, est placé sous le signe de cette production classieuse. Les parties de clavier, exaltées par des sections de cordes langoureuses sur les ballades, donne à l’album cette touche soul des plus avantageuses. Un titre aussi teinté eighties que «Take Good Care Of My Heart», duo de la chanteuse avec Jermaine Jackson, est la preuve pour tous ses détracteurs, qu'un DX7, utilisé avec parcimonie, ça pouvait parfois avoir du style. L'excellent «How Will I Know», construit sur un entêtant - et donc imparable - groove de basse, est une véritable bombe synth-funk, qui rend accroc dès la première écoute. «How will I Know», certes, mais quoi donc? Réponse dans le texte : «If He Really Loves Me»! Nulle inquiétude derrière la question, mais bien plutôt un optimisme fébrile, l'interprétation de Whitney Houston y étant d'une vitalité extraordinaire. Le clip de la chanson, pop et multicolore est à voir : coiffée d’un ravissant serre-tête, Whitney y est toute mimi! La tracklist de l'album, comme la chanteuse prendra toujours soin de le faire sur ses futurs albums, alterne intelligemment ces titres pop avec des ballades plus «émotionnelles».
     Le contraste entre «How Will I Know et «All At Once» qui lui fait suite, chronique d'une rupture amoureuse, et donc forcément douleureuse - un million de larmes, ça fait beaucoup - est ainsi absolu. La musique de Michael Masser, émouvante sans pathos, un peu sentimentale mais sans pleurnicheries, et l'interprétation de Whitney Houston, très «vécue», sont tout simplement admirables. La formule de Whitney Houston, semble être celle de tous ces albums habilement composés pour tant de chanteuses à voix en quête de parts de marché: un producteur expérimenté, ici Clive Davis patron d'Arista records, une équipe de compositeurs/arrangeurs/paroliers talentueux et une chanteuse désirable, vocalement et physiquement, ce qu’est au plus haut point dans les deux cas Whitney Houston, qui avait commencé sa carrière comme mannequin. «How Will I Know» avait ainsi été initialement proposée à Janet jackson par ses auteurs, et Michael Masser, qui signe, en plus de «All At Once», trois autres compositions sur l'album, est à l'époque, avec le parolier Jerry Goffin, un faiseur de ballades très couru - «Nothing's gonna Change My Love For You», c’est eux! Mais Whitney Houston, bien plus que cet «habituel filet d'eau tiède du professionnalisme*», dixit Patrick Bateman, le sulfureux golden boy de American Psycho, c'est le charme au sens le plus fort du terme; celui qui peut rendre exquise une bluette comme «Saving All My Love For You». Chatoiement de la septième majeure sur ce titre, également signé par la paire Jerry Goffin/Michael Masser: quand tintent ces frêles premières notes de piano électrique, quand s'approche la voix caressante de la chanteuse, un soupir de quiétude s'empare de l'auditeur. Quant à «Nobody Loves Me Like You Do», chantée par une autre, cette chanson aurait été dégoulinante de bons sentiments; par Whitney Houston, ce bonheur sans ombres illumine. Les images du textes, sont d'une sentimentalité qui fait sourire… et donc séduit.

     Placé en 257ème position au classement des «500 greatest album of all time» du Rolling Stone Magazine, Whitney Houston est un trésor à redécouvrir.

 ✰ ✰ ✰  



Bret Easton Ellis, American Psycho, Vintage Books, 1991: «Brandly professionnal affair» dans l'édition originale américaine